Cela fait environ trois ans que les entreprises ont adopté – dans une très large majorité – le télétravail. Jusqu’à tout récemment, on avait l’impression que la formule gagnante était celle du travail hybride et flexible et qu’elle allait perdurer. Toutefois, selon une étude menée en 2023 par le cabinet-conseil KPMG auprès de PDG provenant de 11 pays, dont le Canada, 64 % prévoyaient un retour complet au bureau au cours des trois prochaines années.
Sans être aussi drastiques dans leur décision, plusieurs dirigeant.es accompagné.es par les expert.es de Flexia Conseil, tendent également à repenser leur modèle de télétravail. Ils et elles mentionnent, entre autres, ressentir une pression grandissante à assurer leur rôle efficacement en mode hybride.
Faut-il alors complètement enrayer le télétravail? Ou devons-nous simplement mieux encadrer la façon dont on le met en œuvre? Quels sont les modèles qui s’avèrent des réussites?
Pour se faire une tête sur le sujet, Flexia a questionné quatre gestionnaires, œuvrant dans des secteurs d’activités différents, pour connaître leur réalité, leurs enjeux et leur vision du télétravail à l’ère postpandémique.
Le télétravail : une flexibilité adaptée à chaque organisation
Les gestionnaires consultés ont tous mis en place des modèles de télétravail différents, mais ils convergent sur un point : l’importance d’adapter cette pratique aux besoins spécifiques de leur organisation.
Sylvain Hébert, directeur adjoint au Carrefour Jeunesse-Emploi Thérèse-De Blainville, a opté pour un modèle de deux jours de télétravail flexible par semaine (40 %). « Il est essentiel que des employé.es soient présent.es au bureau, car tous nos services nécessitent une rencontre entre les clients et les intervenant.es. Le télétravail ne doit donc pas nuire à la prestation et la qualité de nos services », explique-t-il.
Pour Gina Bergeron-Fafard, directrice générale de la Chambre de commerce et d’industrie Thérèse-De Blainville, elle applique un modèle hybride avec des pourcentages variant selon les saisons (notons qu’en été, aucune activité n’est organisée à la CCITB) « L’employé.e peut effectuer jusqu’à 60 % de son temps de travail hebdomadaire en télétravail entre septembre et juin et jusqu’à 100 % en télétravail pour les mois de juillet et août. Donc en saison régulière, 40 % des heures sont effectuées au bureau, dont le mercredi est une journée obligatoire en présentiel », mentionne-t-elle.
Quant à Benoit Beauchamp, président-directeur général chez TST, l’entreprise a adopté, depuis deux ans, une approche résolument moderne avec une « obligation » de télétravail à 100 %. En fait, l’entreprise n’a aucun bureau! Elle met toutefois à la disposition de sa trentaine d’employé.es des espaces de travail partagés, selon la demande. « Nous proposons même l’option de télétravail à l’international, permettant à nos employé.es de travailler temporairement depuis n’importe quel pays tout en contribuant pleinement à nos projets », explique-t-il.
Cette diversité de pratiques montre bien que le télétravail ne doit pas être une solution universelle, mais plutôt un outil flexible à moduler selon les réalités et les objectifs de chaque entreprise. Il faut tendre vers des pratiques qui bénéficieront le plus équitablement possible aux employé.es, à l’organisation et à la clientèle.
Défi du télétravail : maintenir la cohésion et l’engagement
Puisqu’il est crucial pour un.e gestionnaire que chaque membre de son équipe se sente intégré, soutenu et apprécié, l’un des défis majeurs partagé par l’ensemble des gestionnaires interrogés est le maintien de la cohésion d’équipe à distance.
Sylvain Hébert souligne l’importance de créer des moments d’échange pour renforcer l’esprit d’équipe (ex. : activités sociales). De son côté, Benoit Beauchamp explique que, même avec un télétravail à 100 %, l’engagement des employé.es doit rester une priorité. TST compense avec des retraites trimestrielles pour réunir les équipes en personne, créant ainsi un équilibre entre flexibilité et connexion.
Gina Bergeron-Fafard considère que malgré quelques interventions, « tout se passe très bien considérant que l’autonomie et la responsabilisation sont valorisées et que la valeur d’intrapreneuriat est bien intégrée au sein de l’équipe. La confiance est donnée dès le départ et cela contribue à augmenter le sentiment d’engagement. »
Même si aucun.e n’a mentionné que le télétravail nuisait à la productivité de leur employé.es, la situation peut parfois être différente pour d’autres organisations. D’ailleurs, les résultats obtenus par trois chercheurs (Américains et Mexicain), lors de la compilation d’études récentes, révèlent que le télétravail réduit la productivité des employé.es de 10 % à 20 %.* Les causes identifiées? Les difficultés de communication et de coordination du travail, les défaillances des réseaux de communication, la diminution de la créativité et la baisse de l’apprentissage par les pairs et du mentorat.
Repenser les politiques de télétravail pour un équilibre optimal
Lorsqu’on demande aux gestionnaires sondés par Flexia quel changement prioritaire ils et elles apporteraient à leur politique de télétravail, les réponses révèlent un désir commun d’améliorer l’équilibre entre travail et bien-être personnel.
Sylvain Hébert mentionne l’importance de lutter contre l’hyperconnectivité en définissant des limites claires entre le travail et la vie personnelle, tandis que Benoit Beauchamp propose de consacrer une journée par mois au développement personnel et à l’apprentissage pour encourager la croissance individuelle des employé.es.
Ces propositions illustrent une volonté de faire évoluer les politiques de télétravail en tenant compte du bien-être des employé.es tout en optimisant la productivité et la créativité.
Le télétravail doit bénéficier à tous et toutes
Enfin, les gestionnaires s’accordent sur le fait que le télétravail doit bénéficier à toutes les parties prenantes. Pour Benoit Beauchamp, le télétravail offre aux employé.es « une flexibilité qui favorise leur bien-être, la conciliation travail-vie personnelle et leur productivité. Pour nos clients, ils profitent de la réactivité que permet ce modèle. Enfin, pour TST, le télétravail nous permet d’attirer et de retenir des talents diversifiés et qualifiés, sans contrainte géographique, tout en maintenant des opérations fluides et agiles. »
Sylvain Hébert et Gina Bergeron-Fafard insistent également sur l’importance d’adapter constamment la politique de télétravail pour garantir une équité perçue et réelle, tant pour l’équipe que l’organisation.
Quelle est la situation et la vision du télétravail chez Flexia Conseil?
L’équipe de Flexia bénéficie d’une politique de télétravail 100 % flexible avec une attente de présence au bureau d’une à deux journées par semaine. L’ensemble des employé.es se réunit également à une ou deux reprises chaque trimestre pour des rencontres d’équipe, en plus des très attendues Flexivités, des moments passés à l’extérieur du bureau pour tisser des liens entre collègues.
Dans un autre ordre d’idée, nos expert.es étant aux premières loges des défis et des émotions exprimées par nos clients en matière de gestion à distance, nous comprenons bien leur réalité : gérer des humains au bureau est déjà très complexe; avec le télétravail, la pression s’amplifie.
De plus, les dirigeant.es doivent faire preuve d’ouverture envers leurs employé.es quand ils et elles souhaitent modifier leur politique de télétravail. La gestion de changement doit être prise en compte sérieusement. Ce sont en fait les conditions de travail, la liberté et le bien-être des employé.es qui sont en jeu.
Du côté des employé.es, leur préoccupation est davantage individuelle et perçoivent – dans la grande majorité des cas – leur efficacité comme étant supérieure en télétravail. Quant aux gestionnaires, préoccupés bien évidemment par la performance individuelle de leurs employé.es, ils et elles doivent aussi assurer une performance collective.
Cependant, la gestion à distance complique l’atteinte de la performance collective, car celle-ci repose sur une collaboration et une innovation accrue, qui sont, selon nos récents apprentissages, plus facilement réalisables en présentiel.
Malgré la complexité de ces défis de gestion, les dirigeant.es doivent arriver à trouver LE juste équilibre entre le bien-être individuel et collectif. D’où l’importance, comme nous le mentionnions d’entrée de jeu, d’adapter nos pratiques aux besoins spécifiques de notre propre organisation.
Et vous? Où vous situez-vous dans tout ça?
Si vous aviez en tête d’effectuer des changements dans vos pratiques de télétravail, on vous suggère de lire l’article suivant : Des conseils judicieux pour que vos employé.es disent oui au retour au bureau.
Germain Harvey, président-fondateur
Consultant RH & DO, M. Sc. CRHA
* Le télétravail, un lamentable échec dont ne veulent plus les PDG?, Olivier Schmouker, Les Affaires, mis à jour le 26 avril 2024